Une Grande année : un « petit film » à l’américaine



« On nous avait annoncé un petit film », s’amuse Rémi Bergman, le directeur de production de Une Grande année missionné pour réguler les relations entre les Français et les Américains sur le film que Ridley Scott a tourné dans le Lubéron. L’ampleur de ce tournage n’a cessé de surprendre l’équipe française pour qui petit film rime avec « bricolage », éclairé certes, mais beaucoup plus intime.
On connaît l’intrigue. Max Skinner (Russell Crowe), trader cynique règne en loup sur une city londonienne survoltée avant de découvrir la civilisation dans le Luberon où il passait ses vacances, enfant. Il renonce à vendre la magnifique bastide dont il a hérité et retrouve un amour de jeunesse à la beauté triste, Fanny (Marion Cotillard) qui lui fera rendre ses dernières armes.
Le cinéaste de Blade Runner souhaitait peut être se détendre avec une petite pochade. Il se sera aussi attiré les foudres d’une critique unanimement et mondialement irritée contre sa comédie
Personne ou presque ne lui fait grâce d’avoir voulu troquer les effets spéciaux et les narrations fantastiques de ses grands films contre cette ode à une dolce vita en Lubéron. Les vues splendides de la Provence paraissent trop idylliques pour être vraies. La belle bâtisse de la Canorgue dont hérite Max, est baignée d’une lumière qui serait trop dorée. Notons au passage que la plupart des comédies qui se déroulent à Paris situent leurs personnages dans de magnifiques appartements sans que personne ne s’en offusque…
Doit-on reprocher à Ridley Scott de ne pas être Robert Guédijian ? En lieu des stéréotypes dénoncés , ne peut-on y voir des clins d’œils amusés à ces clichés ? Et si les situations et les personnages semblent attendus, n’est-ce pas aussi une broderie de références, certes parfois appuyés, aux grands standards de la comédie américaine ?
La rencontre entre deux mode d’être et deux approches du cinéma peut être complexe. Souhaitons que l’accueil fait à Une grande année n’influence pas défavorablement de futurs tournages anglais ou américains en Provence, comme s’interroge Rémi Bergman. Si un film essuie un échec, les réalisateurs et producteurs risquent de renoncer aux lieux où il a été tourné… Lorsque l’on connaît l’importance des retombées économiques des films réalisés dans la région, on comprend combien cela pourrait être dommageable.


Cécile Mozziconacci, n°2, février 2007